Est-il fiscalement plus intéressant de louer votre propre voiture à votre société que d’acheter une voiture via votre société tout en l’utilisant à usage privé :
Qu’en disent le fisc et la jurisprudence ?
1. Votre société achète ou souscrit à un contrat de location (renting) ou de leasing pour une voiture.
Cette voiture est utilisée tant à usage privé qu’à usage professionnel.
Dans ce cas, vous vous déplacez avec une voiture achetée ou prise en leasing par la société dont vous êtes le dirigeant.
La société en déduit les frais, au pourcentage issu de la formule prenant en compte le taux de pollution du véhicule (CO²).
Pour votre usage privé, un montant d’avantage de toute nature (ATN) est déclaré selon le cas :
- comme rémunération soit via une fiche fiscale
- ou vous remboursez ce montant d’ATN à votre société périodiquement.
2. Vous achetez à titre privé la voiture mais vous la louez à votre société :
Est-ce plus intéressant ? Et pour qui est-ce plus intéressant ? Pour vous ? Pour votre société ?
Il est aussi possible d’envisager l’inverse, à savoir acheter une voiture personnellement et la louer à votre société.
Plus avantageux pour votre SRL ?
Non, pour elle, qu’elle loue une voiture ou en achète une, il n’y a pas de différence dans le traitement fiscal.
Dans ce cas, la société peut – en principe – (voir ce qui suit) – déduire le loyer qu’elle paie, là aussi déduction fiscale limitée au pourcentage issu de la formule tenant compte du taux de CO².
La déduction du loyer en cas de location ou, en cas d’achat par une société d’un véhicule est celle des charges liées à l’usage d’un véhicule (frais d’achats, taxe circulation, TMC, entretiens et réparations, assurances, etc.) : cette déduction est soumise à la même limitation suivant l’émission de CO2 du véhicule.
Pour vous-même alors ?
La réponse est positive, du moins en théorie.
Le loyer que la société verse à son dirigeant pour la mise à disposition de la voiture est imposé à titre de revenu mobilier, donc au taux de 30 % actuellement, ce qui est toujours plus favorable que le taux applicable à la rémunération retirée de la société, qui va rapidement monter jusqu’à 50 % et auquel il faut ajouter encore les cotisations sociales.
A titre personnel, le loyer est en principe un revenu mobilier imposable (art. 17, §1, 3° CIR 92) , imposable distinctement au taux de 30 % après déduction de frais réels ou d’un forfait de frais de 15 % du loyer.
Conseil.
Seul le loyer net est imposé, donc le loyer brut moins des frais prouvés ou un forfait de frais de 15 % (art. 3 AR/CIR 92) .
Attention !
Vous aurez toujours aussi l’imposition d’un avantage de toute nature (ATN). Il suffit en effet pour cela que vous fassiez un seul kilomètre privé avec la voiture durant la période de location.
Et si vous revendez ensuite ?
La revente de la voiture dont vous êtes propriétaire personnellement reste intéressante au niveau fiscal, puisque la plus-value, c.-à-d. le bénéfice, réalisé en vendant la voiture n’est pas imposée, s’agissant d’une cession dans le cadre du patrimoine privé.
Par contre, si la voiture appartient à votre société et que celle-ci la revend avec plus-value, cette plus-value est soumise à l’impôt des sociétés.
Avantage :
Seul le loyer net est imposé, donc le loyer brut moins des frais prouvés ou un forfait de frais de 15 % (art. 3 AR/CIR 92) .
Attention !
Vous ne récupérez pas la TVA payée à l’achat et sur les frais de la voiture.
Quel loyer demander ?
Le plus possible ?
Il peut être tentant d’exagérer le loyer ainsi retiré de votre société car, pour la personne physique, le régime fiscal est plus intéressant que celui portant sur les revenus professionnels (rémunération).
Mais voilà, le fisc est plutôt suspicieux et voit souvent dans un tel loyer de la rémunération déguisée.
Pour toute certitude, un dirigeant d’entreprise avait soumis son cas à la Commission de ruling du SPF FINANCES (Service des Décisions Anticipées).
Il voulait louer sa voiture, d’une valeur de 20 000 à 25 000 € environ, à sa SRL pour un loyer de 1 700 € par mois. Selon le dirigeant/contribuable, ce loyer était à imposer comme un revenu mobilier.
Excessif, ce n’est pas réaliste.
Telle est la conclusion à laquelle le Service des Décisions anticipées a abouti.
Pour le SPF Finances, une entreprise dans le cadre d’une relation totalement indépendante achèterait la voiture en pareil cas, au lieu de la louer.
En outre, le loyer postulé était trop élevé.
Les sociétés de leasing proposent la même voiture, neuve, à 900 € environ, montant nettement inférieur aux 1 700 € que ce dirigeant voulait demander.
Le SDA en conclut que la véritable intention de ce dirigeant n’est autre que de percevoir une rémunération déguisée.
Qu’en dit le fisc ?
Un loyer exagéré, c’est de la rémunérationw
Vu qu’un loyer est imposé à 30 % et que de la rémunération l’est aux taux progressifs, le SPF FINANCES (le contrôle dont vous ou votre société dépend) examinera particulièrement le coût lié à la location d’une voiture par un dirigeant à sa société.
En général, le contrôleur examinera le loyer payé d’un œil critique et tentera d’imposer la partie qu’il estime exagérée à titre d’ATN, donc comme un montant correspondant à de la rémunération.
Si le loyer est exagéré, c.-à-d. manifestement plus élevé que celui que demanderait un bailleur indépendant pour une voiture similaire, le fisc pourrait imposer la partie exagérée à titre d’avantage de toute nature, donc de rémunération !!! (Trib. Anvers, 16.10.2013) .
Il faut impérativement baser le loyer que vous demandez à votre société sur les prix des entreprises de location de véhicules automobiles pour des durées similaires à ce qui est envisagé. Concrètement, même si le contrat est établi à court terme par ex. mensuel mais renouvelé tous les mois pendant par ex. 12 mois ou plus, le coût pourra être considéré comme exagéré par le SPF Finances au regard de contrat de location d’une durée de 12 mois par ex.
Pour cela, il ne doit pas prouver une simulation ou un abus fiscal. Il lui suffit de démontrer que le loyer dépasse ce qu’un loueur indépendant aurait demandé pour une voiture analogue dans des conditions de durée de détention similaires
Qu’en dit la jurisprudence ?
Qui a gain de cause ?
Le contribuable ou le SPF Finances ?
L’examen de cette question vise à démontrer qu’il n’existe pas de véritable location et/ou que le loyer est en fait payé pour rétribuer les prestations du dirigeant, une imposition à titre de rémunération pourrait en résulter.
Le fisc n’a pas gain de cause.
La charge de la preuve d’un ATN incombe au fisc.
S’il veut imposer la partie exagérée du loyer à titre d’ATN, il doit d’abord prouver que ce loyer est exagéré.
Voici quelques années, la Cour d’Appel d’Anvers a décidé dans deux cas que cette preuve n’avait pas été apportée et dès lors invalidé la taxation (Anvers, 24.06.2014 et 08.09.2015) .
Si le contribuable est en mesure de prouver que le prix de location correspond au prix du marché, il ne s’agira pas d’une imposition à titre de «profits d’une occupation lucrative», vu que la location d’une seule voiture, fût-ce à sa propre société, n’est pas constitutive d’une activité professionnelle (Bruxelles, 04.06.2014 ; Trib. Louvain, 06.01.2012) .
Le fisc a gain de cause.
En 2020, la Cour d’Appel d’Anvers a donné raison au fisc (Anvers, 31.03.2020) .
Cette fois, le fisc avait, à partir des loyers de voitures comparables, démontré que le loyer normal pour une voiture analogue était de 500 €/mois.
Celui demandé de 1 100 € /mois était donc exagéré et le dirigeant n’a pas été en mesure de réfuter cette argumentation. Ainsi en a jugé la Cour d’Appel.
Mais pas de loyer exagéré !
La question centrale est donc bien le montant du loyer.
Il n’est pas possible de demander un prix qui représenterait un montant au-delà du coût réel de la voiture.
Prévoir un loyer raisonnable, conforme au niveau du marché pour un véhicule similaire et une durée de location similaire est donc déterminant.
Une offre à une société de leasing de la marque de la voiture envisagée est donc éclairante pour la mise en place d’une convention de location, le cas échéant.
Si un contrôleur devait se poser des questions, cette offre serait présentée à l’appui de l’évaluation.
Préférable à une indemnité kilométrique ?
Cela dépend…
Si vous n’utilisez votre voiture personnelle, que vous avez déjà, que pour accomplir des trajets pour votre société, une location peut s’avérer opportune.
C’est plus nuancé si cette voiture sert aussi à un usage privé, car là, si vous louez, vous avez l’imposition du loyer mensuel et de l’avantage lié à votre usage privé gratuit du véhicule.
En théorie, vous pourriez conclure à chaque fois un contrat de location pour les jours ou heures d’utilisation professionnelle, mais en pratique, est-ce vraiment faisable ?
Dans ce cas, l’établissement de notes de frais comprenant une indemnité kilométrique (de 0,4259 €/km au 1er janvier 2023 – cette indemnité est adaptée périodiquement) exonérée d’impôt est généralement recommandée.
Attention cela n’empêche pas qu’il faille toujours apporter la preuve de la réalité du kilométrage professionnel réalisé avec la voiture privée pour le compte de la société.
Qu’en retenir ?
Location d’une voiture à la société dont je suis dirigeant = Plutôt déconseillé ?
Le plus souvent, oui…
Si vous le faites néanmoins, demandez un loyer qui ne dépasse pas (trop) celui que votre société paierait à une société de location ou de leasing pour une voiture comparable et dans des conditions similaires de type de voiture, durée de location etc.
Le jeu en vaut-il la chandelle ?
Ou autrement dit : si le risque n’est pas trop élevé au regard de l’avantage qui en sera retiré
Attention !
Si la voiture que le dirigeant loue à sa société sert également pour les déplacements privés, le dirigeant sera là aussi imposé sur l’ATN habituel, comme si la voiture était propriété de la société.
En théorie, il est possible de limiter le loyer porté en charge à la société pour le seul usage professionnel, mais en pratique, c’est difficile à prouver et rarement réaliste.
En règle générale, il vaut mieux que la société achète la voiture ou la prenne en leasing ou en renting.
Mais
Il faut vérifier chaque situation…
Certaines situations exceptionnelles peuvent faire état du fait que la location de la propre voiture du dirigeant est plus intéressante
et … si le jeu en vaut bien la chandelle !
De fait, le contrôleur de la société pourrait juger le loyer exagéré
Et, partant de cette conclusion,
tenter alors d’en imposer une partie à titre de rémunération.
Des débats nourris pourraient en résulter ainsi que des taxations à l’IPP peu agréables risquent d’en ressortir …
A nouveau, n’hésitez pas à nous consulter si vous voulez un conseil personnalisé.
Nous mettons notre expérience au profit des décisions que le dirigeant doit prendre !