Les experts-comptables : Une profession cruciale, mais sous pression
Depuis quelques jours, la profession d’expert-comptable fait parler d’elle dans l’actualité. Les conditions de réalisation du travail deviennent de plus en plus compliquées.
Cependant, les experts-comptables occupent une place centrale dans le bon fonctionnement de l’économie. Leur rôle va bien au-delà de la simple gestion des chiffres. Ces professionnels sont des conseillers stratégiques pour les entreprises, les aidant à naviguer dans la complexité du système fiscal, à optimiser leurs finances, et à s’assurer de leur conformité légale. Pourtant, malgré l’importance de leur travail, la profession fait face à des défis croissants qui mettent à mal sa pérennité.
Un rôle essentiel pour les entreprises et l’État
Les experts-comptables sont bien plus que des gestionnaires de comptes. Ils agissent comme intermédiaires entre les entreprises et l’administration fiscale, garantissant que les entreprises respectent leurs obligations tout en maximisant leurs opportunités fiscales. Leurs compétences incluent la gestion de la fiscalité, la planification successorale, la structuration des rémunérations, ainsi que le conseil juridique et stratégique.
En plus de leur rôle d’accompagnement, les experts-comptables jouent un rôle clé dans la collecte des recettes fiscales. À travers leurs tâches de déclaration fiscale (TVA, impôts des sociétés, etc.), ils permettent à l’État de percevoir ses revenus, faisant d’eux des rouages essentiels d’une fiscalité saine et d’un Trésor public performant.
La profession d’expert-comptable face à des défis de taille
Être expert-comptable permet d’évoluer dans un domaine en perpétuelle évolution, où l’expertise est valorisée. Le travail varié, qui combine conseil, fiscalité et gestion, est gratifiant pour ceux qui aiment résoudre des problèmes complexes et accompagner les entreprises dans leur croissance.
Cependant, la profession n’est pas exempte de difficultés. Les experts-comptables en Belgique expriment leur ras-le-bol face à un environnement de travail éprouvant et une série de frustrations :
- des obligations administratives croissantes ;
- une surcharge de formalités bureaucratiques ;
- des exigences fiscales de plus en plus complexes ;
- des plateformes en ligne qui ne tiennent pas la cadence ;
- un manque de communication et une déshumanisation des relations avec l’administration fiscale. En effet, la communication avec les contrôleurs est devenue quasi inexistante, remplacée par des procédures automatisées.
- des sanctions automatiques jugées disproportionnées.
Cette pression constante a des répercussions dramatiques sur le bien-être des professionnels, avec une augmentation alarmante des cas de burn-out et des départs précoces de la profession. Certains professionnels témoignent de leur épuisement mental et physique, exacerbés par des deadlines sans cesse repoussées, et par la nécessité de se tenir constamment à jour face aux nouvelles obligations légales comme le RGPD et les exigences anti-blanchiment.
Revendications & menace de grève sans précédent
L’Ordre des experts-comptables et comptables brevetés de Belgique (OECCBB) appelle la future majorité fédérale, et notamment le prochain ministre des Finances, à réagir via les 15 revendications. Regroupées par thématiques, ces demandes visent à simplifier les démarches, renforcer la transparence et garantir une sécurité juridique pour les professionnels et leurs clients :
1. Des relations directes et une meilleure efficacité avec l’administration
Les experts-comptables soulignent la nécessité d’instaurer un mandat unique pour simplifier l’accès aux informations, à l’image de ce qui est pratiqué pour les avocats. Cela permettrait de réduire les démarches administratives répétitives. De plus, l’Ordre recommande la création de canaux de communication dédiés entre les professionnels et l’administration, tels qu’un numéro de téléphone spécifique, pour un accès plus direct à des interlocuteurs qualifiés. Enfin, la mise en place d’une plateforme unique d’accès aux services fédéraux et régionaux faciliterait les interactions et améliorerait l’efficacité des échanges.
2. Simplification administrative et valorisation des données existantes
Pour éviter les demandes d’informations redondantes, l’Ordre propose de mettre en place un système de type « All in once », garantissant que les informations déjà fournies, telles que les bilans financiers, ne soient pas redemandées inutilement. L’utilisation des données présentes dans la Banque-Carrefour des Entreprises (BCE), par exemple, devrait également être systématisée pour éviter la saisie multiple des mêmes informations. Par ailleurs, l’Ordre demande à ce que les publications au Moniteur belge (nominations, démissions, etc.) puissent se faire intégralement par voie numérique. Enfin, il suggère d’adapter les exigences administratives aux réalités des entreprises, en allégeant certaines obligations qui sont aujourd’hui imposées même aux structures unipersonnelles.
3. Accessibilité accrue et fiabilité des plateformes numériques
Les experts-comptables demandent une accessibilité continue des plateformes numériques de l’administration en dehors des heures de bureau, ce qui permettrait aux professionnels de gérer leurs dossiers en fonction de leurs propres contraintes horaires. Cette mesure devrait être accompagnée d’une modernisation de l’infrastructure informatique de l’administration, pour garantir un fonctionnement optimal et limiter les erreurs et retards.
4. Garanties juridiques et équité dans les relations fiscales
L’Ordre milite pour le rétablissement de services de décisions anticipées et de conciliation indépendants, assurant une résolution rapide et impartiale des différends. Il demande également que les agents de l’administration ne puissent plus défendre des positions allant à l’encontre de la loi. L’Ordre souhaite également une application raisonnée des sanctions fiscales, remplaçant les pénalités automatiques par une approche tenant compte des circonstances individuelles. Enfin, il réclame la reconnaissance du secret professionnel des experts-comptables de la même manière que pour les avocats, afin de protéger les données sensibles de leurs clients.
5. Maintien des pratiques avantageuses et renforcement des partenariats
L’Ordre plaide pour la préservation des règles forfaitaires simplifiant le calcul de l’impôt, telles que la déduction des frais de véhicule, afin d’éviter les interprétations variables lors des contrôles fiscaux. Il demande également un investissement dans la relation avec les acteurs fiscaux, pour garantir un partenariat durable et productif entre les professionnels et l’administration.
Faute d’un engagement substantiel du gouvernement, les professionnels du secteur se disent prêts à envisager des actions de grève adaptées à leur métier. Une telle grève paralyserait la collecte de la TVA et d’autres recettes fiscales, avec des répercussions significatives pour l’État.
Pour que la profession continue à jouer son rôle crucial, il est impératif de reconnaître ses difficultés et de mettre en place des solutions pour alléger la pression administrative et restaurer la communication humaine avec l’administration fiscale. Une meilleure reconnaissance du rôle des experts-comptables, associée à un allègement des contraintes bureaucratiques, pourrait non seulement améliorer leur bien-être, mais aussi attirer de nouveaux talents vers ce métier indispensable.